Le blog de Léonie

Vagabond se débrume et la montagne des mergules nains s'embrume.

Alors, on repart parmi les icebergs et des grappes d'oiseaux. Le soir après une journée de navigation le long des falaises pleines de guillemots à miroirs et de mouettes tridactyles, on va se promener à terre et jouer dans le sable le long d'une rivière. Papa y amène l'annexe et on redescend très vite avec le courant !

Puis on passe 2 jours à Thulé, la base militaire américaine : pendant tout ce temps, on mange midi et soir au restaurant-cantine pleins de bonnes choses à volonté, on joue sur des motoneiges devant un écran et on fait du sport avec de drôles de gros instruments : on peut marcher puis courir sur des tapis roulant, faire du trampoline, jouer avec des ballons énormes et même se baigner dans une piscine avec du courant... On prend le taxi tous les jours pour aller du port à la base. Rien ici n'est payant sauf les repas, on profite de tout ce qui sert à détendre les 550 personnes qui vivent là été comme hiver. Tout se passe dans de grands bâtiments, dehors il n'y a que des cailloux, de la terre et de la poussière.

L'escale suivante, nous nous arrêtons devant un village groenlandais abandonné. A Moriussaq, c'est comme si les gens étaient partis la veille en laissant toutes leurs affaires sur place. Dans l'école abandonnée je joue avec un gâteau d'anniversaire en boue et sa bougie dessus, il y a des piles de cahiers et de livres de mathématiques, des perles, des jeux... Dans le même bâtiment se trouve l'église, où papa joue des airs à l'harmonium; j'ai essayé, ce n'est pas facile de pédaler en même temps que de jouer du piano ! Dehors il y a pleins de fleurs et c'est très beau. J'ai ramené un bouquet de belles plumes d'oies, qui semblent être les seules habitantes des lieux maintenant !

Lorsque papa et maman naviguent la nuit, Aurore et moi nous réveillons dans un nouveau village et s'il y a eu de la houle, on n'a pas eu le temps de sentir le mal de mer. Vagabond est aussi passé dans des champs d'icebergs vraiment serrés et hauts, de vrais labyrinthes de glaces disait maman. Et là, je me penchais par la fenêtre pour appeler les mergules nains qui battent des ailes en nous voyant arriver ou plongent de peur.

Moi, je suis toujours pressée d'arriver dans un village pour trouver un square et des enfants. A Nuussuaq où il y a 190 habitants, à peine descendus du bateau, 5 grandes filles sont venues jouer avec nous. Elles m'ont prise en photo avec leurs téléphones, elles écoutaient de la musique, escaladaient des endroits dangereux, on s'est bien amusées. Il y avait aussi de petits chiots trop mignons à caresser et ensuite elles m'ont emmenée sur des rocher jouer avec l'eau de mer. Quelle super escale, je n'ai même pas eu le temps de voir s'il y avait un square ! Par contre, ça ne sentait pas toujours très bon : comme il n'y a pas de route, pas de voitures ni de camions poubelles, peut être que le ramasseur d'ordures avec sa brouette avait trop de travail, il y avait des tas de poubelles partout et surtout pleins de sacs poubelles jaunes : ce sont les sacs qu'ils mettent dans les toilettes, puisqu'il n'y a pas l'eau courante et donc pas de chasse d'eau. Bref, des sacs à caca, un peu partout au bord du chemin... J'espère qu'un bateau va venir récupérer les déchets bientôt. A Kullorsuaq il y avait un square avec un toboggan mais il faisait froid. Et ici, à Savissivik, on a été invité chez des groenlandais à manger du boeuf musqué et des sucettes pour moi et Aurore. Mario m'apprend pleins de mots en Groenlandais, il m'a même appris à chanter "Frère Jacques" en groenlandais ! C'est un tout petit petit village de 45 habitants, il n'y a même pas de chemin de pierre, juste des petits chemins en planches de bois un peu surélevés pour passer par dessus les ruisseaux et les tas de graisse de phoque qui collent un peu partout. C'est pour nourrir tous les chiens de traîneaux qui sont attachés entre les maisons. On a aussi pris un vrai bain et c'était drôle : il fallait faire bouillir une grosse gamelle d'eau que maman a mis dans une grosse bassine où elle a ajouté de l'eau froide. On a bien joué avec Aurore là dedans, c'était drôlement mieux que la douche !

A force de chercher notre chemin vers le Nord, en faisant des tours et des détours dans la glace, on finit par passer plus de temps coincés dedans qu'à naviguer. Heureusement, la nature s'occupe en général de nous délivrer; ça peut mettre quelques heures ou 2 jours... Tout va bien lorsque l'on peut descendre du bateau pour courir sur des plaques de glaces solides. On y joue à envoyer des navires de glace sur des flaques d'eau turquoise, à trouver des trous de phoques, à faire de la corde à sauter. Les grands font aussi le plein d'eau en rapportant des jerricans d'eau de fonte dans les réservoirs de Vagabond. Mais parfois, on est immobilisé dans des plaques dures et serrées trop petites pour marcher dessus. Alors, j'escalade le roof du bateau (je voudrais bien aussi aller dans le nid de pie, un peu plus haut!). Mes parents ont fabriqué une balançoire sur le pont avec 2 bouts, c'est rigolo. S'il fait chaud, on sort même les Clipots et une poupée à l'avant, là on s'amuse bien avec Aurore. De temps en temps, on voit un phoque sortir la tête de l'eau pour nous regarder ! Hier, un bébé phoque s'est laisser approcher de très près, il n'avait vraiment pas peur de Vagabond, ni de ma voix qui l'appelait ! Il n'est même pas rentré dans l'eau lorsqu'on est repartit. Les grands ont dit que celui là, il ne risquait pas de vivre très longtemps s'il ne se méfiait pas plus (des chasseurs et des ours !). Pour changer un peu d'étage, j'aime aussi aller aider papa à bricoler dans la salle machine. Je fais le relais lorsqu'il a besoin d'un outil, que maman m'apporte. Je sais même faire le plein de gasoil avec la pompe manuelle maintenant !

Enfin, j'aimerais bien que l'on arrive à un village, pour acheter des chewing-gums et trouver des toboggans !

23 juin. Le village de Nuussuaq se trouve encore à 10km, mais la lisière de la banquise intacte est là, qui nous barre la route. Trois attelages de chiens de traîneaux arrivent du village au loin... Un "speed boat" ramène de la ville la plus proche une famille. Pour rentrer chez elle, elle doit passer du petit bateau au traîneau à chien, tout au bord de l'eau, et ensuite tracter le bateau sur la glace avec deux des attelages de chiens !

Quelques jours plus tard, trois petit bateaux se faufilent jusqu'à nous dans la glace. Dedans sont arrimés quelques phoques annelés et les kayaks très fins qui leur servent à approcher les bêtes, sans se faire remarquer. Ils sont blancs ou bleus, comme l'eau ou la glace. L'un des chasseurs lorgne sur notre nid de pie et quelques instants plus tard, il est ravi de découvrir du haut de notre mât son terrain de chasse. "Qujanaq" nous disent ils en repartant : merci !

Maintenant, Vagabond erre dans cette banquise trop peu fracturée, qui nous oblige à attendre... que ça fonde ou que ça casse. On serait mieux avec des ailes par ici !